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Mains d'oeuvres - Page 3

  • Eleonore Didier, entre les gestes

    Aveu1Petit.jpgCe qui ne se produit pas ou qui n'est pas vu est aussi important que ce qui se produit en apparence. En cela, ce solo créé à Lisbonne en 2005 est le digne grand frère de Paris Possible, performance pour un spectateur unique (en principe), mûrie à Point Éphémère l'an dernier. Eléonore Didier, plus qu'elle ne danse, ce soir invente des mouvements inquiets, d'abord en arpentant raz le sol, puis en sauts bas, de la lenteur vers presque la panique, l'espace blanc jusqu'à l'épuisement de celui-ci. 

    Passée debout elle construit l'espace de son regard, crée une forte attente vers la suite. Puis les habits vides de corps, comme dessinant une présence abandonnée, sont soigneusement rangés à terre- pour ne laisser à ce corps que la sincérité du dépouillement. Corps qu'on voit, tout en surface, rien qu'en surface. Lent, mais sans intentions lisibles: qu'y voir après vraiment? Rêver? Répétés, des instants suspendus sont précieux, des arrêts sur images quasi photographiques. La danseuse parvient ici, tout autant que durant les deux heures de Paris Possible, à faire durer quelques moments d'éternité. D'une rare qualité d'immobilité. Pleins de la tentation de l'abolition de la danse? L'"image" suivante a la force et l'incongruité d'un déjeuner sur l'herbe de Manet ou d'un tableau pré-surréaliste: un jeune homme assis immobile et la femme sans vêtements, sa tête cachée, souvent, tous deux d'abord dos au public, tournés vers le mur immaculé. La danseuse passe en revue l'inconfort des positions qu'elle peut avec table et chaise, laissée déjà loin derrière elle sa sobre impudeur. Les arrêts se tiennent en déséquilibre, elle succombe à la chute. A la fin-tendresse?- le garçon sera enlacé.

    Guy

    C'était Solides, Lisboa, de et avec Eleonore Didier, vu à Mains d'Oeuvre.

    Voir les photos de Vincent Jeannot.

    Lire aussi Images de danses, et -la critique professionnelle s'inéressant enfin à Eléonore Didier- Mouvement, l'année d'aprés...Il ne s'agissait pas d'une "création" à faits d'hiver, comme Gérard Mayen l'écrit dans son article, comme peut-être chaque fois qu'il découvre une pièce :-) . 

     

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  • Cindy Van Acker: Temps 0

    Pour cet acte III de Faits d'hiver, evanouis les fantômes, et non plus nulle d'apparition d'un corps fantôme, qui par définition se manifesterait durant l'aprés du corps vivant. Place plutôt au corps d'avant, au corps de l'origine. Ce Corps 00.00 qui nous fascine plus que la pourtant belle virtuosité d'enchainements au sol d'Obvie.

    917554058.jpgCe corps fascine, jusqu'à vite faire oublier les aspects technologiques du projet, les stimulateurs électriques et autres fils, jusqu'à ce qu'on s'approprie la chose autrement. Pour formuler d'abord que Cindy Van Acker  ose sereinement une danse à risque, dans le sens où il s'agit d'une danse au bord toujours d'être trop abstraite, trop épurée. Non sans évoquer ce que fût parfois le buto. Une danse développée dans la lenteur, organique, concentrée et solitaire, introvertie, vierge de développement narratif, insouciante de tout rapport à l'autre. Dans un sens une danse d'avant l'histoire, tous repères effacés, d'avant le temps. On veut comprendre ainsi le titre: Corps 00.00. Cette piece est portée par un corps presque nu, comme d'avant la conscience sociale, et au tout début de la conscience de soi. Cette presque nudité ne se charge d'aucun érotisme, se laisse voir comme une nudité d'innocence toute proche de la naissance. Parce que de cette danseuse se dégage une forte, évidente, qualité de sérénité, Perrine Vallisemble toute destinée à incarner ce rôle. Dans une lumière de presque l'aube. Sous l'influence de musiques incertaines, qui émergent juste de la neutralité harmonique, dont les rythmes flous semblent à peine esquisser l'invention du temps. Perchée en hauteur, la danseuse chute deux fois, comme chaque fois accouchée. Le câble électrique auquel elle est relié devient ombilical. A terre, elle commence à inventer son chemin. L'existence s'impose peu à peu par l'action, par le geste, par la mesure du corps. Sans heurts. En évidences. L'espace est géométriquement exploré, comme il se doit pour un commencement, par les bras souvent tendus, et à l'aide de mouvements qui explorent les limites de l'équilibre. La danseuse aborde un parcours, dont des marques au sol imposent la progression des pieds et des mains. Elle l'exécute plusieurs fois, accéléré. Le récit commence ainsi à être, et avec lui l'ébauche d'un temps premier, défini par des évènements plusieurs fois répétés. Aux dernières secondes surprend un effet de lumière chaude. La danseuse est debout, immobile, éclairée comme une femme enfin. Face aux autres. Pour une vraie naissance.

    C'était, de Cindy Van Acker, Corps 00.00 ♥♥♥♥♥  avec Perrine Valli, et Obvie ♥♥♥♥, avec Tamara Bacci, à Mains d'Oeuvres, avec le festival Faits d'Hiver.

    Guy

     


    Corps 00:00
    envoyé par julienmdo

    Obvie
    envoyé par julienmdo

    video a voir sur le site de Julien saglio

    En quelle manière sont donc ces deux temps: le passé, et l'avenir; puisque le passé n'est plus et que l'avenir n'est pas encore? Et quant au présent, s'il était toujours présent, et qu'en s'écoulant il ne devint point un temps passé, ce ne serait plus le temps, mais l'eternité. Si donc le présent n'est un temps que parcequ'il s'écoule et devient un temps passé, comment pouvons nous dire qu'une chose soit, laquelle n'a d'autre cause que son être, sinon qu'elle ne sera plus? De sorte que nous ne pouvons dire avec vérité que le temps soit, sinon parce qu'il tend à n'être plus. Saint Augustin.

    photo de Cindy von Acker avec l'aimable autorisation de Jerome Delatour

  • Delgado et Fuchs à la fois

    Ils sont tous deux minces, souples, sexys, musclés juste comme il faut, parfaitement épilés, propres et beaux. On leur pardonne, et même de danser disco, 2e5a92124bb881ffd86c7a940dd68ad7.jpgla hanche battant la cadence avec tant d'élégance. On est-pire!- obligé de leur pardonner d'être intelligents. Pas de doute à ce sujet, à constater comme ils manient à coups de reins et sans sourciller un humour incisif et distancié. Les corps des deux s'exposent et triomphent de santé sur le mode de l'hédonisme, fonctionnels, performants, auto-centrés sous le prétexte d'une séance de remise en forme. Pour que le ridicule éclate avec une rare cocasserie. Le vrai faux duo réussit à être à la fois à être acteur et commentateur de la situation- et nous mêmes complices- lorsque que l'exposé évolue vers d'autres genres, du disco au contemporain. Réussit à se jouer avec finesse des codes de la représentation. Mais, sublimant la satire, les corps échappent aux normes et scénarii. Avec la charge sexuelle qui s'impose et se superpose à la vision des poses de salle de gym, exécutées avec une candeur feinte, impossible. Avec aussi une soudaine étrangeté, lorsque Nadine Fuchs à terre ne semble plus savoir que faire de ses interminables jambes. Avec une indéniable cruauté, lorsque Marco Delgado est graduellement transformé par sa partenaire en un patin animé. Une petite musique bat en arrière fond, sardonique, et l'habit fait le stéréotype, toujours rose-fille et bleu-garçon. En costumes, en vêtements de gym forcement moulants, voire nus sans être nus pourtant, c'est une performance hilarante, tout autant que le bel escamotage en conclusion. Il est permis, il est bienvenu, de produire du rire avec de la danse.

    C'était MANTEAU LONG EN LAINE MARINE PORTE SUR UN PULL A ENCOLURE DETENDUE AVEC UN PANTALON PEAU DE PECHE ET DES CHAUSSURES POINTUES EN NUBUCK ROUGE  ♥♥ de la compagnie Delgado Fuchs, avec Nadine Fuchs et Marco Delgado , vu en filage à Mains d'Oeuvres.

    Guy

  • Jesus (Sevari): la femme à la tête de choux

    Il s'en trouve toujours un, hélas, pour raconter le début, vendre la mèche. Soyons le premier, et spolions allégrement, tant pis pour les effets de surprise. Jesus Sevari nous attend allongée à l'entrée de la salle, juste vêtue de talons aiguilles et sur le visage une souche, son corps colonisé d'escargots. Tout partout, gastéropodisée des pieds à la bouche, jusque dans la bouche. C'est la seconde femme limace  qu'on rencontre cette année, mais pour le coup c'est inédit, audacieux et saisissant. On est content. Jesus bouge parcimonieusement, les escargots aussi, mais encore plus lentement, ils glissent, et cela pourrait durer longtemps encore.

    n1364778412_30210069_3919.jpg

    A compter de l'instant où les spectateurs ont compris qu'il faut considérer ce tableau comme la première scène du spectacle, et qu'il n'y a pas d'inconvenance à s'arrêter là pour scruter la baveuse performance, ils font demi-tour depuis leurs sièges. Puis font attroupement debout en demi cercle. Avec une fascination plutôt amusée, avec sans doute un peu de difficulté à prendre du recul pour réfléchir au concept. Régression vers l'animalité? Ou une simple exhibition absurde, une provocation calme et démystifiée? Mais déjà les deux autres partenaires de la danseuse détachent un par un les animaux de ce terrain humain. Avec beaucoup de précautions, avec presque du respect. Ce soir on ne plaisante pas avec les escargots. Un moment d'émotion chez les témoins de la scène: alors que la danseuse se relève on voit qu'un des gastéropodes été oublié entre ses pieds, en grand danger d'écrasement. Soupir de soulagement quand l'animal est in extrémis repéré, récupéré. Passage du public dans la salle, au risque de décevoir après ce prologue. On se surprend à imaginer ce que cette performance aurait pu devenir si elle avait osé durer et devenir danse: dressages utopiques, apprentissage d'une lenteur extrême, interactions improbables, vertigineux contrastes.

    Mais il y a encore une heure de spectacle, après. Saturée par- citons le programme-: 40 escargots, 7 salades, 6 masques, 5 costumes, 3 paires de chaussures à talons aiguille, 2 musiciens, 1 comédienne, 1 danseuse, 1 litre de lait, 1 guitare électrique et 1 corde à sauter. La liste n'est pas exhaustive, on pourrait y rajouter: des ventilateurs, des ballons multicolores, un beau sourire, des ailes d'ange, un costume de Dark Vador, un ordinateur Apple, une robe glamour, pas mal d'impudeur et un peu de danse, des yeux en gros plans, des bouches, des bâches et des bûches, des discours rêveurs et des souvenirs rêvés, et le guitariste bite au vent. Diagnostic: c'est le syndrome trés répandu du bric a brac, maladie de jeunesse qui avait déjà frappé d'autres victimes dans F for Fake, pour ne prendre qu'un exemple. Autour d'un concept trop généraliste, que l'on pourrait réduire à un manifeste de l'introspection exhibée, une exploration du domaine fantasmatique. Appliqué avec une volonté explicite de pluridisciplinarisme. Mais cette ambition n'est pas toujours soutenue par des moyens suffisants. A chaque changement de genre: baisse de tension.

    La création existe, pourtant, intrigante et originale, si l'on se résout à prendre, à retenir ce qui nous intéresse. Quitte à un peu oublier le reste, essentiellement ce qui est parlé. Pour se souvenir du meilleur: de trop brèves séquences de belle danse contemporaine, bras collés au torse, ou buste penché en avant, une danse singulière à en faire oublier la belle robe, ou la nudité. Se souvenir aussi des gestes en échos entre la danseuse et son double "ordinaire", l'actrice Sylvie Deslande, cette dernière au corps moins "artistique" dans son dévoilement, d'où un dialogue d'autant plus intéressant. Se encore souvenir de ces mises en situation d'un absurde troublant et décomplexé, sans provocation ni agréssivité tant la chair semble sereine, tableaux surréalistes habités par des personnages à tête de salade. Se souvenir pour finir d'un véritable rêve éveille dans la pénombre, avec ces images organiques projetés sur la danseuse. Une belle conclusion sur un corps qui se songe apaisé.

    C'était (la première) de Como salir a buscar una estrella con las dos manos ocupadas ♥♥ de Jesus Sevari-Compagnie absolumente  avec Jesus Sevari, Sylvie Deslande, Gonzalo Alarcon, Sven Lava, à Mains d'Oeuvres.

    C'est ce soir toujours, et samedi encore...

    Guy 

    P.S. : ...et un moins aprés aussi à l'Ecole nationale d'architecture de Paris, d'où Jérome n'est pas revenu les mains vides 

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  • Une + deux

    On préfère, et de loin, Perrine Valli une fois qu'elle s'est débarrassée de ses poètes suisses, libérée de la poésie et du bruit. Pas tout à fait, car en raison de l'isolation très approximative des différentes salles de Mains d'oeuvres, il fallait ce soir un peu d'efforts pour imaginer le silence autour d'elle. Donc pas de musique, pas d'effet d'éclairage non plus, des habits d'un noir digne et discret, autant de manières de signifier d'entrée que l'on se situait ce soir dans l'austérité.

    medium_perrine-vali.jpgPour une danse lente et prés du sol, à la rigueur toute géométrique, l'émotion contenue dans les yeux, et l'abandon de certains glissements. Interrogative aussi: les bras et jambes se transforment obstinément en aiguilles d'horloge pour ébaucher la mesure d'un temps rêveur et intime. Ici les équilibres et arrêts, tels ces brèves pauses face au public, pudiques, énigmatiques, prennent presque autant de valeur que les mouvements qui les lient. Économiques, presque jusqu'à l'agacement.

    La pièce est courte, comme encore ébauchée. Elle laisse peut être un peu sur sa faim, à force de dédaigner crânement tous les effets faciles. Mais l'artiste est très jeune, et son histoire-on le pressent et on l'espère- en est à ses tous débuts. Et de ce premier essai on oubliera juste le titre: "Ma cabane au Canada".

     

     

    Cette soirée découverte nous projetait ensuite, sur le plan de l'esthétique, à des années lumières de cette première partie sobre et introspective, en compagnie alors de Myriam Lefkowitz et Lise Casazza ( Cie Débribes). 

    Pour atterrir d'abord dans un baquet en compagnie de l'une des danseuses, inanimée. Pourquoi donc un baquet? Était-ce pour lui permettre de s'en extirper, toute nue sous son collant transparent, et bientôt sans collant du tout? C'était une raison aussi valable qu'une autre après tout.

    "Et alors, qu'est qu'elle devient" ensuite, après cette naissance de Vénus, et une fois un peu rhabec1e8e457d7b464bd6816ebd4a5eb8f7.jpgillée? Sa partenaire l'a rejointe, fébrile, et l'on comprend alors de quoi ce soir il s'agit: ces deux personnages sont très intéressés l'un par l'autre, et auront fort à faire pour se découvrir mutuellement.

    Elles se livrent pour celà à une chorégraphie dynamique et inquiète, ni brouillonne ni confuse pour autant.

    Maquillées en miroir, amantes ou jumelles, ou les deux à la fois, elles s'approchent l'une de l'autre, énervées, se croisent, se frôlent se heurtent, se considèrent, se touchent, se tâtent, se caressent, se maltraitent, s'agrippent par les plis de la peau et des vêtements, évoluent ensemble ou parallèlement, enlacées ou entravées l'une à l'autre, échangent les rôles, se soulèvent et se portent l'une l'autre et se laissent tomber brutalement. Tension, doutes, medium_debribes_2.jpgémois, ruptures. Malgré l'humour sous-jacent, plus de stupeur que de sensualité dans tout cela.

    Autant dire que jusqu'au moment où elles retourneront choir ensemble dans le baquet originel, on n'aura guère eu le temps de s'ennuyer.

    Ni ce soir, ni demain soir encore.

    Guy 

    PS on a trouvé plein de belles photos ici  , site qu'on là lui-même trouvé sur ce portail là

     

  • Les histoires d'amour finissent mal (finissent mal, mal, al..)

    Les histoires d'amour finissent mal, en général, et ce depuis que le Monde est Monde. En tout cas depuis bien avant la chanson, depuis les Métamorphoses d'Ovide (43 avant J.C - 17 aprés J.C.) , au moins.

    medium_fond_echo.jpgSurtout quand l'histoire est unilatérale, telle la passion d'Echo pour Narcisse.

    Echo: "La nymphe qui ne sait ni se taire quand on lui parle, ni parler la première, la nymphe qui répète les sons".Echo, brûlée de désir, qui répète les paroles de Narcisse. Echo qui, rejetée par l'être aimé, se laisse dessécher, jusqu'à ce qu'il ne reste d'elle que la voix, et les os sous la forme d'un rocher.

    Clémentine Baert joue Echo, elle chante et danse le rôle aussi. C'est beaucoup à la fois, et c'est peut-être trop pour ne pas toujours éviter de sembler, techniquement, maladroit.

    Mais au final elle est Echo, larmes aux yeux et émotion à fleur de peau. A cause de cela sans doute on se laisse attendrir, comme à chaque fois quand on écoute une telle histoire, même si l'histoire, surtout celle là, est un peu usée. Mais la ruse du théatre est de toujours nous faire croire à sa nouveauté.

    On se laisse donc attendrir malgré tous les partis pris esthétiques caractéristiques de ce théatre blanc, ce genre de medium_02-echo.jpgthéâtre qui considère dangereusement les mécanismes transparents de sa propre abolition. Le théâtre etait blanc ce soir. Mais malgré cela, Clementine Baert etait Echo.  

    Il existe un théâtre rose bonbon, robe de chambre de mousseline, escaliers roccoco, et répliques appuyées, pour les vieilles et les théâtres à l'italienne. Un théâtre rouge, teinté des obsessions scato-hémorragiques des nouveaux maitres flamands. Un théâtre gris, verbeux, qui montrent ceux qui attendent, qui rassemble tout le monde dans les brumes de l'ennui. Un théâtre noir aussi, des costumes aux rideaux, tragique, intransigeant, acéré, intense, acétique, tranchant, émacié, un théâtre de moines soldats.

    Ce soir le théâtre était blanc. Comme la scénographie, comme le fond d'écran et le tapis de scène. Aussi immaculés qu'un restaurant de Philippe Stark, ou un loft de Madonna. Avec quelques accessoires post modernes: torches-néons, guitariste live, panneau de plexiglass, voix off et projection video. On pourra en juger en video ici. Autant de signes censés tenir à distance l'émotion?

    Mais pas ce soir pourtant.

    A Mains d'oeuvres, et encore pour quelques soirs.

    Guy

  • Myra Breckinridge a 38 ans

    Il faut attendre un bon moment avant que ne soit vraiment abordé le sujet de Myra Breckinridge: le refus des déterminismes sexuels, la remise en questions des rôles masculins et féminins, joyeusement jetés au feu avec les soutiens gorges, le male chauvinist pig, le drapeau américain et tout le reste. Sur fond de rébellion sixties US: Guerre du Vietnam, Women liberation front, psychédélisme et guitares sèches venant ébranler - ou peut être pas tant que cela- le star system et le californian way of life.

    L'intrigue est secondaire et bancale: Myra Breckinridge,pretendue veuve de Myron Breckinridge vient revendiquer l'héritage de ce dernier: une école de future stars tenue par son oncle Buck. Myra, devenue professeur, inculque à ses élèves des leçons à sa façon.

    Le texte de Gore Vidal(1925- ) était il, déjà en 1968, si baroque et décalé, qu'il n'a pour cette raison pas tant vielli que cela? Sa conclusion grinçante anticipe en tout cas les lendemains amers des utopies fleuries d'alors. 

    Reste une histoire à tiroirs, lesquels s'ouvrent sur quelques scènes audacieuses et surprenantes, dont celle- on avait jamais vu nulle part quoi que ce soit qui se rapproche de ça- du viol littéral d'un bel et jeune étalon à Stenson par l'heroîne, outillée comme il se doit pour cela. Étonnant, et pourtant cohérent avec le propos

    Mais tout est trop lent encore: le temps perdu au départ n'est jamais rattrapé: arrive inévitablement tôt ou tard un moment où tout cela n'en finit plus. Question de rythme que la compagnie - Franchement Tu- n'a pas trouvé. Le phrasé se veut distancié mais ne parvient le plus souvent qu'à sonner scolaire et appliqué, plombé par les hésitations. Les chanteuses et le guitariste paraissent plus à l'aise dans "California Dreaming" qu'en s'attaquant au "The Man I love" de Guerschwin. Les entrées et sorties de scène sont proscrites, pour laisser à vue et exposés des acteurs inactifs et embarrassés.

    Bref un résultat inégal et inabouti. Avec de bonnes idées, dont la projection en fond d'écran de bandes d'actualité sixties et d'un mélo chromo de Douglas Sirk. Contrepoint d'une innocence idéalisée. Avec un Rock Hudson, dont la virilité parait rétrospectivement ambiguë dans ce contexte. Mais le procédé est à double tranchant: le regard s'attarde sur le film, au detriment de ce qui se passe, où de ce qui ne se passe pas devant.

    Mains d'oeuvres hier et aujourd'hui, et encore la semaine prochaine (15/16 septembre.)

    Guy

    P.S.: On a découvert à cette occasion que le roman-culte ?- de Gore Vidal fit l'objet en 1970 d'un film trés improbable, avec Raquel Welch(Myra), John Huston(Uncle Buck), et une Mae Westseptagénaire incarnant Laetitia Van Halen, impresario consommatrice de jeunes talents. Ainsi que John Carradine, Farah Fawcett et Tom Selleck. Les photos évoquent quelque chose comme du Russ Meyer à trés gros budget. Comme quoi, durant les sixties, absolument tout pouvait arriver. Et même à Hollywood.